Ma BM
Je n’en ai jamais vraiment parlé. Peut-être par peur des railleries. Les personnes croyant me connaître rétorquent souvent que cela ne me correspond pas …mais bon. Quelques personnes sont dans une toute relative confidence … et non… pas toi … bouffon !
Ma grande passion c’est l’ « ancienne ».
Il y a une dizaine d’années, grâce à ma femme se fut la rencontre. J’ai flashé pour une BM. Loin d’être neuve mais pas trop esquintée par la vie, je m’en suis fait une compagne. D’abord à soigner ensuite à bichonner avec l’idée de musarder ensemble quand je serai vieux.
Travail, enfants et manque de moyen ne m’ont jamais permis de lui consacrer le temps qu’elle méritait. Aujourd’hui cette vieille connaissance que mes rêves ne veulent reconnaître que rutilante se morfond un peu chez moi. J’ai eu des fois l’envie de lui tourner le dos, feindre de ne pas la reconnaître, manquant du courage indispensable à l’essuie de reproches comme pour ceux d’une personne.
Souvent le soir en faisant le tour de la maison avant de me coucher je lui glisse quelques mots. De manière tendre et délicate comme s’agissant d’une Vieille Dame pour qui marques d’affection et amour rimeraient avec ultime sursis avant le terme d’une vie. Alors je lui dis : Patience ma vieille, je te le promets nous ferons le reste de la route ensemble !
Quelques fois, pour mon plaisir, je lui permets quelques fantaisies et surtout celle de s’exprimer. Bien sûr, au regard de son âge le chant au timbre devenu fragile, à la musicalité incertaine et percutions imparfaites reste toujours pour moi un moment délicieux. Son odeur d’un autre âge (l’étanchéité n’est plus sa priorité !) ses optiques opaques comme l’œil voilé du vieux chien, ses rayures et bobos pareils aux rides d’un visage sculpté par la rigueur du temps me permettent de penser que tout ceci n’est que stratagèmes permettant de cacher la beauté d’une âme dont j’ai la faiblesse d’imaginer … réelle.
Evidemment sa réfection reste délicate. Tout semble fragile. Chaque organe à retirer suscite souvent inquiétude et parfois surprise. La force est bannie, les ponçages doivent se faire caresses. Une manipulation non maîtrisée comme une remarque mal réfléchie devient un préjudice irrémédiable. Je reste néanmoins très serein. Le temps ne m’est pas compté ; ma femme n’est pas jalouse, elle nous connaît si bien !
Je m’imagine déjà en balade accompagné de ma ‘belle’ avec mes potes motards. Certes je ne sais pas encore quand j’en verrai le bout mais ce qui est une évidence c’est que ce jour arrivé, je deviendrai le plus heureux des hommes.
Voilà ce n’était pas vraiment un secret. Si par hasard vous deviez la rencontrer, s’il vous plait ne soyez pas indiscrets, ne l’obligez pas à se dévoiler, n’essayez pas de la comprendre vous vous approcheriez trop d’une intimité. De mon intimité.
Bien sûr comme beaucoup d’entre vous il est de coutume de lui donner un prénom.
Pour la vôtre c’est peut-être : BB, Mémère … que sais-je ?
La mienne c’est Brigitte.
Vous allez peut-être me dire « Jéjé tu exagères, ne la rends pas tant « humaine » ! Oui je sais mais bon c’est quand même…
...
ma Belle-Mère !!!!
... Dans le passé, les anciens étaient la mémoire, la sagesse ou le bon sens. Maintenant ils sont bons pour le rebut. 